Ce montage théâtral singulier propose une relecture saisissante de Macbeth de William Shakespeare à travers le prisme de l’écriture contemporaine de Joël Pommerat, notamment à partir de son œuvre Cercles/Fictions. En combinant ces deux univers dramatiques que tout semble opposer — l’un ancré dans la langue poétique et solennelle du XVIIe siècle, l’autre dans une forme épurée, fragmentée et très actuelle — le spectacle crée une œuvre hybride, à la fois intemporelle et profondément ancrée dans les questionnements du monde contemporain. L’histoire de Macbeth, général écossais loyal devenu tyran sanguinaire après avoir été enivré par des prophéties annonçant son ascension au trône, reste le fil narratif central. On y retrouve son ambition dévorante, les manipulations de Lady Macbeth, la montée de la paranoïa, et la spirale de violence qu’entraîne la soif de pouvoir.

Mais cette trame classique est sans cesse réinterrogée, déconstruite et enrichie par les apports de Cercles/Fictions, qui introduisent une réflexion plus large sur les mécanismes de domination, la responsabilité individuelle, la peur du vide et le rapport à l’autorité. Les dialogues de Pommerat, plus directs, plus proches de la langue parlée, viennent briser la distance parfois créée par la langue élisabéthaine, donnant aux personnages une humanité crue, troublante et immédiate. Les scènes issues de Cercles/Fictions offrent des respirations, des contrepoints ou des échos aux scènes shakespeariennes, et permettent de souligner les failles psychologiques, les doutes intérieurs, ou encore l’absurdité de certaines situations de pouvoir. Ce croisement entre tragédie classique et théâtre contemporain génère une tension dramaturgique forte et révèle avec une acuité nouvelle l’universalité des thèmes abordés : l’ambition, la culpabilité, la perte de repères moraux, la manipulation et la chute.

Ainsi, ce spectacle navigue entre l’ombre et la lumière, entre la parole mythique et l’introspection moderne, créant une fresque théâtrale puissante et dérangeante. En confrontant deux écritures, deux époques et deux visions du théâtre, il ne se contente pas de revisiter Macbeth, mais en propose une relecture critique, politique et humaine, en écho aux dérives du pouvoir d’hier comme d’aujourd’hui.